Xavier Zimbardo. Holi, Le sacre des couleurs. © Xavier Zimbardo
Xavier Zimbardo. Holi, La puissance du vivant. 2007. © Xavier Zimbardo
Xavier Zimbardo. Holi, Aux sources de l’Inconnaissable. 2007. © Xavier Zimbardo
Xavier Zimbardo. Viddhaka, La penetrante. 2007. © Xavier Zimbardo
Xavier Zimbardo. La Femme en Jaune. 1982. © Xavier Zimbardo
exhibition is over
19, Prechistenka street (
opening hours: 12:00 - 20:00, Friday 12:00 - 22:00, Sunday 12:00 - 19:00, day off - Monday.
Tel: + 7 (495) 637-25-69
Xavier Zimbardo «Le sacre des couleurs» Depuis qu’il s’est evade, il y a vingt ans, de l’archipel du verbe ou le cantonnait son metier d’enseignant, pour se donner a temps plein a sa vocation de createur d’images, Xavier Zimbardo a rapporte de ses vagabondages a travers les continents et les mondes une eblouissante collection d’oeuvres photographiques. Rien a voir avec des cliches facon reportages documentaires, anecdotiques, pittoresques ou exotiques. Chacune de ses images se donne a voir comme une apparition, ou la part de l’imaginaire, l’incidence du hasard, les impromptus de l’inspiration hantent le champ du reel.
Qu’il s’agisse de vues, de scenes, de portraits, cet eclat venu d’ailleurs irise l’instantane. La visee de l’artiste n’est pas de reproduire techniquement ce qu’il a sous les yeux, mais de produire subjectivement ce que fait vibrer, du fond de son oeil aux abysses de l’hypothalamus, l’eclairement singulier de l’image captee. De la prise de vue au tirage, en passant par le travail au negatif ou a l’ecran toute?uvre de Zimbardo s’accomplit comme une danse sur le nerf optique. Avec toujours ce besoin d’aller plonger son objectif focal, mental, libidinal dans un au-dela du visible, nous conviant a porter notre regard du cote de l’ame errante des choses, des vivants et des mondes. Ce qui lui valut d’etre qualifie de photographe chaman.
Un evenement de son parcours creatif a eu, a cet egard, un effet decisif : sa rencontre en 1992 avec l’Inde profonde, plus precisement aux environs de Mathura dans l’Uttar Pradesh, a l’occasion de la Holi. Fete traditionnelle du printemps et de l’amour, celebree chaque annee sous le signe de Krishna au moment de la pleine lune d’equinoxe, la Holi mobilise des foules, plusieurs jours, plusieurs nuits durant, dans un climat de folle effervescence rituelle, stimulant toutes les ardeurs vitales de la communaute. " La Holi, ecrivait Mircea Eliade qui vecut longtemps en Inde, a garde jusqu’a une epoque recente tous les attributs d’une orgie collective, dechainee pour exacerber et porter au maximum les forces de reproduction et de creation de la nature entiere. Toute decence est oubliee, parce qu’il s’agit la d’une chose bien plus serieuse que le respect des normes et des coutumes : il s’agit d’assurer la vie dans sa continuite. " Avec toujours cet effet-paradoxe : c’est dans les grandes decharges d’energie vitale que l’esprit se recharge de sens et de vitalite.
Si l’ampleur et la frenesie des debridements charnels auxquels donnait lieu dans le passe la celebration de la Holi sont aujourd’hui plus symboliques que reels, l’eclat orgiastique y est toujours intensement perceptible. Au plein feu de ce sacre du printemps et de l’amour, la multitude des celebrants s’asperge d’eau teintee de fleurs rouges d’Ashoka, la couleur du sang qui flue dans nos arteres, irrigue notre chair, symbole de la force du vivant dont nous ne sommes que des corps de passage. Rouge est aussi la couleur fusionnelle de l’appel des sens, de cette attraction physique des corps que, le temps de la fete, l’explosion de ferveur generale libere des interdits et contraintes de l’ordinaire des jours.
A l’epoque ou Xavier Zimbardo revint de l’Uttar Pradesh porteur de sa fabuleuse suite d’images de la Holi, il me raconta comment, immerge pendant des jours et des nuits dans la debordante euphorie de toute une population d’hommes et de femmes en liesse celebrant la plus ardente de leur fete votive, il avait vecu, la-bas, une experience d’une bouleversante et indicible intensite, quelque chose comme une initiation, un rite de passage dont il voulait que sa pellicule soit le revelateur. Il perdit dans l’aventure quelques kilos et une partie de son materiel mais y gagna une bonne part de ce qui constitue l’essence meme de son pouvoir de createur d’images.
Ce pouvoir singulier et quasiment alchimique de naviguer de l’en deca a l’au-dela de l’image percue, de se jouer du reel comme d’une illusion ou inversement, de torturer le negatif pour sanctifier le positif, d’inscrire l’invisible dans le cadre du visible se retrouve, d’une maniere ou d’une autre dans l’impressionnant florilege de sujets ou d’objets qui motivent ses prises de vue. On pourrait presque dire ses prises de vie, tant la photo est pour lui le moyen par excellence d’affirmer son insatiable appetit d’etre et de devenir.
Revenu plusieurs fois en Inde, ces derniers temps, comme on va en pelerinage, Xavier Zimbardo en a rapporte de nouvelles images captees au fil de ses eblouissements, composant comme une suite et un accompagnement melodique de ses premieres visions de la Holi. Chacun pourra y reconnaitre ce genie des apparitions qui transparait dans toutes les oeuvres photographiques de Xavier Zimbardo.
Georges Marbec